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  • Un jour, un transfert
  • Épisode 15

Frédéric Déhu à l’OM : traître ou ne pas être

Par Tom Binet
Frédéric Déhu à l’OM : traître ou ne pas être

Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. Pour ce quinzième chapitre, zoom sur une époque où la rivalité entre le PSG et l'OM interdisait formellement de passer d'un camp à l'autre. Une règle transgressée à l'été 2004 par Frédéric Déhu, ce qui aura valu au capitaine rouge et bleu de devenir un paria auprès de ses propres supporters avant même la fin de son aventure dans la capitale.

De la joie, de l’euphorie, de l’extase ou tout simplement du soulagement… Voilà en général le genre d’émotions que procure le fait de soulever un trophée. Pour Frédéric Déhu en ce soir de mai 2004, rien de tout ça. Le capitaine du PSG fond en larmes au moment de brandir la Coupe de France remportée par les Rouge et Bleu, vainqueurs de Châteauroux sur la plus petite des marges sur un but de Pedro Miguel Pauleta. En fin de contrat et sur le point de s’engager avec l’ennemi juré de l’OM, le défenseur central est sifflé par les siens tout au long de la soirée. Jusqu’à craquer au bout d’une soirée qui reste encore gravée dans de nombreuses mémoires. « Je ne commenterai pas son comportement parce qu’il était capitaine, à mon sens il aurait dû accepter de recevoir le trophée et ne pas baisser la tête durant la cérémonie… Mais c’est comme ça », fustigeait ces dernières années Vahid Halilhodžić auprès de Culture PSG, lui reprochant d’avoir rapidement tendu le trophée à Danijel Ljuboja pour s’éviter les huées. Drôle d’épilogue pour l’un des exercices alors les plus réussis depuis bien longtemps pour les Parisiens (vainqueurs de la Coupe de France et deuxièmes de Ligue 1).

Paris je t’aime, moi non plus

Quatre ans plus tôt, c’est pourtant avec beaucoup d’ambitions que le natif de Seine-et-Marne débarquait à Paris, malgré un passage mitigé au Barça. « J’avais fait le choix de revenir en France dans un club ambitieux et qualifié en Ligue des champions. Je décide donc de rejoindre Paris le dernier jour du mercato, l’année où le club avait fait le choix de recruter plusieurs anciens joueurs formés dans la région parisienne », confiait-il en 2014 dans une interview à So Foot. De retour en Ligue 1, Déhu s’impose comme un cadre du vestiaire parisien, devient capitaine après le départ de Mauricio Pochettino et change de poste pour se muer en défenseur central. Jusqu’à la cassure.

À 31 ans, alors que la fin de son contrat approche, les propositions salariales jugées trop faibles et des tensions avec son coach, Vahid Halilhodžić, ont raison de sa volonté de poursuivre l’aventure. « Ce qui m’importait, c’était simplement de retrouver un club avec de l’ambition. Lorsque je suis parti de Paris, on me proposait un nouveau contrat avec une diminution de salaire de 30%. J’avais encore l’envie de goûter au haut niveau, et il fallait qu’un club m’apporte ce que je souhaitais, se justifie-t-il a posteriori. J’avais plusieurs sollicitations, mais il n’y avait que celle de Marseille qui m’intéressait. » Sans le vouloir, l’international tricolore déclenche alors une véritable vague de colère, à une époque où la rivalité entre Parisiens et Marseillais est encore particulièrement tenace.

Ils m’ont manqué de respect. Je pense avoir rempli mon contrat et je peux partir la tête haute.

Dès le lendemain de la finale, Halilhodžić et son désormais ex-capitaine s’expliquent sur le plateau de Téléfoot. « On n’achète pas le respect avec de l’argent, balance alors le technicien bosniaque. C’est moi qui l’ai choisi comme capitaine, moi qui l’ai repositionné en défense centrale. Déhu vient de boucler la meilleure saison de sa vie. Il a fait un choix plus économique que sportif. » Réponse du joueur à destination de ses dirigeants : « Ils m’ont manqué de respect. Je pense avoir rempli mon contrat et je peux partir la tête haute. » Dans ce contexte, le club préfère laisser filer son capitaine et miser sur un certain Mario Yepes. Un transfert qui laissera finalement bien plus de traces à Paris qu’au sein de sa future destination, Marseille, où il débarque aux côtés de Peguy Luyindula, Benoît Pedretti, Bixente Lizarazu et un certain… Fabrice Fiorèse, qui saute lui aussi le pas lors du dernier jour du mercato. Ce dernier s’était d’ailleurs empressé de prendre la défense de son compère dès le coup de sifflet final lors de la victoire en Coupe, retournant chercher un Déhu rapidement rentré aux vestiaires sans passer par la case célébrations. Avant de tancer la presse : « J’en ai gros sur la patate. Frédéric Déhu est un ami, et même plus que ça. Il méritait un autre départ.(…)Vous, les journalistes, avez une part de responsabilité. »

Va-t’en et je reviens jamais

Bientôt rejoints par Lorik Cana (en 2005), puis Modeste M’Bami (en 2006), les deux hommes sont immédiatement pris en grippe par le public parisien. « C’est sûr que j’avais en tête la rivalité entre Paris et l’OM. Mais bon, je sortais de quatre années à Paris, dont deux en tant que capitaine. Je pense que tout se passait très bien pour moi au sein du club, sauf la dernière saison avec Vahid Halilhodžić. C’est pour ça que je suis parti. Mais je ne pense pas avoir besoin de me justifier, lançait encore Déhu dans les colonnes de So Foot. Je sais que ce départ a été mal perçu, mais je ne pense pas avoir été un vagabond. » Pas l’avis de tous au Camp des Loges. Depuis, ce choix colle aux basques de l’intéressé, régulièrement questionné sur le sujet. Et l’ancien Blaugrana d’affirmer à chaque fois n’avoir « aucun regret » concernant sa décision et d’assurer ne pas estimer être un « traître ».

Une haine qui se prolonge bien au-delà de l’été 2004. Désormais persona non grata, Fred Déhu reçoit un accueil particulièrement hostile à l’automne suivant pour son retour au Parc des Princes, avant d’être régulièrement visé par des déclarations assassines venues de la capitale. « L’année suivante, à Marseille, je passe devant lui, dans les vestiaires. Je lui tends la main, et lui retire la sienne. Je lui ai alors dit : « Je savais que tu n’avais pas beaucoup de classe. Ça se confirme »  », balancera en 2016 Alain Cayzac, alors actionnaire et membre du comité directeur du club (il deviendra président en 2006), dans un entretien à L’Équipe. Malgré une rivalité sportive désormais loin de son zénith et de la fureur des années 1990, voilà pourtant désormais seize ans qu’aucun joueur ne s’est risqué à un aller simple entre les deux plus grandes villes de l’Hexagone, dans un sens comme dans l’autre. À quand de nouveaux volontaires ?

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